Balade aux bois

Balade aux bois - découvrir sa moitié dans une partie de chasse

On ne pouvait supporter la chaleur, trop étouffante décidément. C'est en sortant de sa bassine d'eau fraîche que le germain eut une lubie, sans doute passagère, mais depuis quelques temps bien tenace. Une envie qui s'était créé une après-midi de mai, lors d'une chasse aux lapins, mais qui après quelques discussions avait pris l'ampleur qu'on pouvait deviner en cet instant. Oui, Audric voulait faire un peu de chasse. Une battue tout ce qu'il y a de plus "noble" comme sport, après la joute soyons bien d'accord.

Toutefois, une telle partie de traque ne pouvait se faire seule et c'est pourquoi, il écrivit un mot à sa douce et tendre, probablement en vadrouille dans quelques châteaux impériaux ou affairées aux besoins de l'Ordre qui devait faire peau neuve, après la dernière guerre. Il fallait profiter de l'image de combattant engagé et fidèle à la cause impériale. C'était là leur meilleur atout.

Citation :

A l'étincelante,

Mon bel amour, j'aurais tant besoin de votre présence dans les murs de Kehlen, je regarde avec envie ces draps dans lesquels nous partageons secrets et confidences. Toutefois, j'ai cette impression de ne pas vous connaître entièrement, de n'avoir que des bribes d'informations, un puzzle qu'il m'est pour l'instant difficile de compléter.

C'est pourquoi, souhaitant remédier à cela, je souhaiterais emprunter de votre temps à l'Ordre, pour profiter de votre présence lors d'une partie de chasse dans les bois de Kehlen. Nous pourrons profiter de cet instant pour parler du tout et du rien, nous découvrir en plein air, sans la contrainte d'une armure solide ou d'un salut militaire. Venez donc profiter un peu de nos pâturages et prendre quelques jours de repos auprès de moi... même si je ne suis pas doué pour vous faire dormir, j'en conviens.

J'attends votre réponse et votre venue, cela fait déjà deux jours ou une matinée, mais c'est une éternité quand on y pense.

Avec mes plus profonds sentiments

Audric

Salle du conseil, Château de Bâle.

Cet été là s'annonçait caniculaire. Et ce jour là, Elektra "jouait" à la comtesse. Deux jours pour gérer les petits soucis quotidien du comté. Le conseil de la ville de Bâle était ennuyeux à mourir. Elle s'était confectionné un éventail de fortune avec un parchemin et tentait tant bien que mal de trouver un peu de frais. La réunions s'éternisait. Chacun y allait de sa petite modification personnelle. A vrai dire, elle acceptait tout sans trop rechigner sur un regard du traducteur. Quelle idée aussi pour la plupart de ces gens de parler germain !

Un petit page du château de Bâle entra et se dirigea vers la comtesse pour lui remettre un pli discrètement. Le silence se fit le temps qu'elle le lise. Elle réprima le sourire qui naissait naturellement sur ses lèvres à la lecture, pour tenter d'afficher une moue plus dubitative.

Bien ! Messires, notre réunion s'achève ici même ! Il m'arrive l'annonce d'une affaire de la plus haute importance à laquelle je dois répondre sans attendre. Merci à tous !

C'était clair, elle en avait fini avec l'ennui ! Se relevant, tout le monde en fit de même, la saluant comme il se devait, et la jeune femme sortit de la pièce d'un pas pressé. Elle entraina à sa suite le page dans un petit bureau et commença à rédiger la réponse.

Citation :

A vous mon Increvable, mon tendre époux.

Vous savez combien il m'est une éternelle torture de m'éloigner de vous. Un seul instant sans votre présence, et c'est comme si le monde perdait soudain ses couleurs. Je vous rassure, les draps de ma chambre au château de Bâle sont froids et sans autre intérêt que celui de dormir. Mais lorsque je suis dans vos bras, vous savez bien que ce n'est guère le désir de sommeil qui vient me chercher en premier.

Je suis ravie de votre proposition. Si vous vous souvenez, je ne suis guère douée pour la chasse, mais je suis certaine que vous accepterez de mettre votre expérience et votre dextérité à mon service. A peine aurez-vous le temps de lire cette missive, que mes bras enlaceront déjà votre nuque.

L'éternité sera pour nous,
Avec tout l'amour que j'ai pour vous.

Votre.

Le pli fut scellé et tendu au page qui patientait sans un mot.

Faites le parvenir par le plus rapide de vos coursiers, c'est bien compris. Et faites seller ma monture !

Le page confirma d'un mouvement de la tête et s'empressa d'obéir aux ordres. Elektra rejoignit ses appartements, enfilant une tenue plus appropriée que sa robe, elle fourra rapidement toutes ses affaires dans ses sacs. Elle n'avait pas vraiment le temps d'attendre que les domestiques se bougent, l'envie de partir et rejoindre son Barbare se faisait plus forte à chaque seconde. Une demi-heure plus tard, les gardes aux portes de la ville purent voir filer à toute allure un éclat de lune surmonté d'une chevelure du soleil.

Château de Kelhen.

Le galop ne cessa que lorsque la cavalière en intima l'ordre à sa monture. Elle sauta à terre et caressa tendrement le museau de Moonlight, lui chuchotant doucement.

Bravo mon garçon, tu es toujours le plus rapide.

Le cheval hennit légèrement, s'ébrouant, humide de sa course folle avec sa maitresse. Un palefrenier s'approcha et Elektra donna une dernière tape à l'encolure de la bête.

Bouchonnez le bien, il ne doit pas prendre froid. Et donnez lui de l'eau, à température, pas celle de la rivière. Il a besoin de repos.

Après s'être assurée que l'homme avait parfaitement compris, elle se dirigea vers les portes du château. Lequel de ses deux amours allait elle retrouver en premier ? Qui sait, peut-être même étaient-ils ensemble. Même si Audric n'était pas un "papa gâteau" il n'en était pas moins un père attentif. Se débarrassant de ses gants et de son épée, elle se mit à leur recherche.

Profitant de la caresse et du baiser, il laissa la femme rejoindre l'enfant sur lequel il avait veillé. Il la rejoignit pour la saisir à la taille et apprécier le paisible bambin qui dormait dans son berceau. Oui il grandissait vite le bougre, bien trop vite il sera capable de marcher, bien trop vite, celui de commencer à apprendre les choses essentielles de la vie. Mais rien ne pressait.

Alors dites moi ... Quel genre de chasse prévoyez vous ? Je doute d'être douée avec tous les armements, nous risquons de rentrer bredouilles, vous savez.

Rien de bien extraordinaire, je vous propose la chose en deux temps. Nous lâchons les chiens et avec l'aide de quelques villageois nous allons traquer le sanglier dans les bois. Nous prenons le temps que nous souhaitons pour nous distraire de cette battue et ensuite, je vous propose de dresser la tente dans un pâturage, festoyer avec les citoyens, puis nous prendrons le temps pour discuter un peu vous et moi.

L'idée n'était en soit pas très éprouvante, mais il y avait toujours quelques petits à coté sympathique qui trouveraient leur sens dans un moment paisible où il ne serait que les deux.

Cela faisait déjà un long, très long moment, que, perchés sur leurs montures, ils scrutaient les sous-bois, les fourrés, chaque allée transversale de la foret, à la recherche d'indices laissant à supposer un passage récent d'une horde de ces cochons sauvages et belliqueux. Mais, rien ... Rien, pas même une trace de patte ou de groin dans un buisson de mures. Rien qui ne puisse les mettre sur la voie.

Bon, la balade n'était pas déplaisante, même si son cher et tendre semblait avoir l'esprit ailleurs. Le regard émeraude se posait fréquemment sur lui, et par moment elle s'autorisait une question, avant que le silence de l'immense foret ne retombe sur eux. Pour la chasse, il fallait peut-être être silencieux, après tout.

Elektra poussa un soupir et stoppa Moonlight en plus milieu du chemin.

Il n'y aurait pas une façon de les attirer ? Parce que là, ca devient monotone.

Esquissant un sourire moqueur, elle ajouta.

Vous pourriez imiter le cri de la femelle ...

Au pire, si ils ne mettaient la main sur rien, elle pourrait toujours se rabattre sur le "gibier" qui se trouvait à quelques mètres d'elle. Et celui là, elle saurait le cuisiner et le déguster sans problème, elle savait y faire.

Elle retint le fou rire qui lui venait naturellement en le voyant presque offusqué. A vrai dire, elle adorait cela, le chatouiller là où c'était sensible et le voir relever sa fierté toute germanique.
Elle retint également une grimace à l'évocation du "genre d'animal qu'il pouvait traquer" parce que cette fois, c'était elle que ca pourrait chatouiller.

Il sauta à bas de sa monture et elle le regarda faire sans bouger. Il observait le sol comme s'il cherchait des traces. Était-ce une méthode bien réelle ? En dehors de l'odeur de l'humus, qui se dégageait des sous-bois sous l'effet de la chaleur d'un franc soleil, il fallait bien avouer qu'elle ne percevait rien d'autre. Son regard se promena sur les alentours avant de se reposer sur son époux qui avait décidé de se mettre à quatre pattes sans doute pour mieux suivre la piste.

Elektra éclata de rire tandis qu'il se trainait jusqu'à un buisson.

Regardez-là. Surement du lapin ou alors un Renard, pour cela nous sommes doués pour le chasser !

Elle lui répondit, hilare, pliée en deux sur le dos de Moonlight.

Faites bien attention ! Le lapin va vous mordre le nez !
Quant au renard, merci, ca me rappelle trop le travail !

Maintenant, patience .... je ne sais pas vous, mais j'ai faim ! Petite halte dégustation cela vous va ?

La jeune femme leva les yeux au ciel. Elle avait épousé un estomac sur pattes.

Bon ... Alors faisons une halte pour un petit pique-nique. Avec un peu de chance, les odeurs de nourriture attireront un gibier digne de ce nom.

Elle descendit également de son cheval pour le mener à l'ombre et le laisser brouter. Des sacoches de la selle, elle sortit une couverture qu'elle étala au sol et y déposa assez de nourriture pour presque un régiment. Mais elle connaissait l'appétit de son Germain qui compensait bien le sien à peine plus gros que celui d'un moineau.

Allons ! Venez vous asseoir. Votre lapin sera pour le diner, si il accepte de se laisser prendre.

Elle était loin d'être convaincue qu'ils rentreraient avec une quelconque viande à cuire, mais l'important n'était finalement pas là. Du plat de la main, elle tapota la couverture à ses cotés, avant d'attraper un légume de saison confit et de le croquer.

Il ne fallait pas rire. Surtout, il ne fallait pas rire. Exercice difficile en voyant son époux grignoter du bout des dents un légume confit et faire comme si il appréciait finalement cela.
Elektra le laissa terminer, après tout ca ne pouvait qu'être bon pour sa santé, puis laissa éclater son fou rire.

Que vous êtes bête ! Il y a de la viande de porc fumée et du poulet froid.

Cependant, sa moquerie se perdit rapidement dans un soupir amoureux tandis que l'affamé se perdait, lui, sur le galbe clair de son cou, s'attaquant goulument à sa peau tendre et douce. Il avait toujours l'art et la manière de la déstabiliser, la plus agréable des manières il fallait bien l'avouer.

Doucement calée contre lui, le pique-nique se poursuivit néanmoins tranquillement, dans un cadre idyllique, le paysage s'étalant devant eux, s'offrant sans pudeur à leur contemplation.
A sa question, elle releva le minois vers lui. Elle aimait ces moments où il déposait l'armure du germain pour n'être plus que lui-même, vulnérable et sensible.

Je ne sais pas danser, mon cœur. Que ce soit des danses de salon ou des danses populaires, je suis équipée de deux pieds gauches.

Elle glissa sa main dans la sienne avec un petit sourire en coin.

Par contre, je veux absolument te voir désinhibé et monter sur une table pour une danse endiablée ...

Son imagination fut interrompue par un raffut qui venait d'un peu plus bas que la position qu'ils avaient choisi. Elektra sauta sur ses pieds et mit une de ses mains en visière au dessus de ses yeux.


Audric !! Regarde ca !!

Se retournant vers lui, elle lui fit signe de venir vers elle. Quelques centaines de mètres en contrebas, tout près d'un étang entouré de roseaux, un groupe de sangliers avait surgi des bois en courant.

Faisant demi-tour, la jeune femme couru jusqu'à sa monture et en décrocha l'arc qu'elle avait accroché à la selle.

Viens ! On va essayer d'en tuer un !

Ce serait la première fois qu'elle chasserait un si gros gibier, si on ne comptait pas ce malheureux cerf en Lorraine, et elle n'avait pas envie de laisser passer cette chance. Ne laissant guère le temps à son époux de réfléchir, carquois glissé sur son dos, elle s'élançait déjà vers le bas de la colline.